Hedningarna

un grand bol de folklore scandinave, une doigt d'électronique, une dose de rock, une dose de shamanisme et de la créativité à volonté
Pour décrire Hedningarna, la meilleure chose à faire est de traduire leur nom: Les Païens. Il s'agit en effet d'un groupe initialement composé de trois suédois qui font de la musique au mépris de beaucoup de conventions. On peut dire d'eux qu'ils inventent de la musique, tant ils mélangent d'influences et d'idées personnelles, au point de fabriquer eux-mêmes leurs instruments, parfois sur le modèle d'instruments traditionnels, parfois moins.
Björn Tollin l'un des trois fondateurs, il joue du tambourin et autres percussions, diverses lires, harpes, vielles et autres bêtes à cordes, et taquine parfois l'électronique
Anders Stake autre membre fondateur, il joue de diverses sortes d'instruments à cordes, de la vielle, de la cornemuse suédoise, d'autres trucs à vent, de la guimbarde, et d'à peu près n'importe quoi d'autre
Hållbus Totte Mattsson le troisième père fondateur, il joue de la guitare baroque, quelques variantes du luth, de la vielle, etc.
Ulf Rockis Ivarsson arrivé en cours de route pour jouer diverses formes de basses et de percussion
Anita Lehtola et Sanna Kurki-Suonio les chanteuses
Anita remplace Tellu Paulasto, autre chanteuse (et violoniste), depuis 1996. En plus de ces gens-là, quelques invités sont passés, dont Wimme Saari qui assura le jojk sur deux albums.

La carrière d'Hedningarna commence en 1987 lorsque les trois compères se rencontrent, et en 1989 paraît leur premier album, simplement intitulé Hedningarna. Il s'agit d'un album entièrement instrumental et acoustique, fait de compositions d'Anders et d'airs traditionnels du folklore suédois. Très calme et traditionnalisant, ce disque court met en évidence les qualités des messieurs, tout en étant un peu moins accessible que ses successeurs.

C'est en 1992 que paraît le deuxième opus, Kaksi (c'est-à-dire simplement Deux en finnois), après l'arrivée au sein du groupe de Sanna et Tellu. La musique gagne largement en variété, avec du chant sur la moitié des morceaux, et l'intrusion de quelques effets sonores, dont l'électricité qui apparaît sur le redoutable Ful Valsen. Le sens du rythme, ou plus généralement du groove, est évident, comme sur le magnifique Grodan, construit en crescendo sur un rythme imparable et embelli par les deux voix. Je connais à peine la langue finnoise mais il semble qu'elle se prête très bien à la chanson, en particulier par le sens de l'allitération hérité de l'ancienne tradition poétique de cette culture.

Fort du succès de cet album, le groupe enchaîne en 1994 avec le troisième album, Trä (Bois en suédois). Le son s'y enrichit encore, en particulier avec l'intervention de Wimme Saari au jojk, forme de chant sans paroles, traditionnel des peuples Sâmes (c'est assez difficile à décrire, autant écouter les albums...). Mes favoris sur cet excellent album sont peut-être Min Skog (ma forêt, en suédois), chanson musclée à tendance écologisante, pleine de percussions, et Tina Vieri, admirable chanson qui ferme le disque. Ou encore le magnifique Vargtimmen, standard du folklore scandinave, aussi intéressant que l'interprétation qu'en font leurs compatriotes métaleux de Finntroll. Mais je pourrais citer toutes les autres, tant l'album garde une atmosphère et un énergie intactes de bout en bout.

En 1996, les deux chanteuses marquent une pause en quittant temporairement le groupe, et les trois messieurs, rejoints par Ulf, publient en 1997 le quatrième album, Hippjokk. Largement instrumental, cet album a un son à la fois plus moderne, avec une pointe d'électronique, et intemporel, avec l'aspect païen que donnent le jojk et les instruments à l'ancienne inventés par le groupe. En dehors de l'unique chanson Drafur och Gildur (du noms de deux personnages de la mythologie de l'île de Gotland), l'album est très continu, bien rythmé du début à la fin, comme par exemple sur Dolkaren et sa sonorité si particulière, ou Skåne, polska irrésistible.

Le dernier disque en date est Karelia Visa, paru en 1999. Intitulé chanson de Karélie en suédois, du nom de la région (entre la Finlande et la Russie) d'où il puise son inspiration et la langue des textes, il revient au son assez traditionnel de Kaksi, peut-être un peu plus contemplatif. Le retour de Sanna et l'arrivée d'Anita montrent que la formule des chansons harmonieuses sur des rythmes solides n'a pas perdu de son efficacité, comme en témoignent Mitä Minä ou Alkusanat. Pour apprécier toute l'ambiance de cet album, le meilleur moyen est de lire les textes (traduits en anglais dans le livret) pour tenter de découvrir la culture Karélienne, dont le disque est une sorte de témoignage.

Le folklore revisité peut être une source de musique de qualité. Dans le registre scandinave, ceux qui aiment Hedningarna sont fortement susceptibles d'apprécier les premiers albums des Suédois de Garmarna, ainsi que les groupes de la scène néo-folklorique finlandaise, comme par exemple Värttinä, ou encore Sanna Kurki-Suonio (qui fait aussi de la musique en solo), pour ne citer qu'eux. À titre de comparaison, l'esprit d'Hedningarna n'est en fait pas très éloigné de ce que peut faire Tri Yann en France, par exemple (même si je trouve Hedningarna plus créatifs. Et si vous aimez à la fois Hedningarna et le black-métal, allez-voir Finntroll, c'est ultime!
Pour en savoir plus sur Hedningarna, quelques sites intéressants: Sinon, beaucoup de gens on fait des pages sur eux. Utilisez-donc Google, c'est inégalable.
Page écrite par Emmanuel Beffara, modifiée le 19 mars 2003.